Développement de l'Inhibition de Retour (IOR) chaude et froide : vers une meilleure compréhension des trajectoires attentionnelles

Abstract

Le développement des mécanismes attentionnels a fait l'objet de nombreuses recherches, notamment sur leur interaction avec les facteurs émotionnels. Une distinction peut être faite entre l'attention visuelle "froide", qui repose sur des processus automatiques et exogènes en contexte neutre, et l'attention visuelle "chaude", influencée par des stimuli émotionnels et des mécanismes motivationnels. L'inhibition de retour (Inhibition Of Return - IOR), qui empêche l'attention de se réorienter vers une même localisation, constitue un indicateur clé de ces dynamiques attentionnelles (Posner et al., 1985 ; Klein, 2000). Si son développement en contexte neutre semble relativement linéaire (MacPherson, Klein et Moore, 2003), son éventuelle modulation par les émotions reste mal comprise, notamment à l'adolescence, période caractérisée par une sensibilité accrue aux stimuli affectifs. Explorer cette distinction entre IOR chaude et froide pourrait apporter des éclairages nouveaux sur la régulation attentionnelle et ses variations développementales, notamment dans les troubles de l'humeur, de l'attention (TDAH), du spectre autistique (TSA) où des altérations du contrôle attentionnel et une hypersensibilité aux stimuli émotionnels sont souvent rapportées (e.g. Dai & Feng, 2009 ; Antezana et al., 2015). Afin d'examiner l'impact de l'émotion sur l'IOR en fonction de l'âge, nous avons élaboré deux tâches : l'une évaluant l'attention visuelle froide, et l'autre intégrant des stimuli émotionnels pour mesurer l'attention visuelle chaude. Ces tâches ont été administrées à 80 élèves au développement typique, répartis en deux groupes : des enfants de 4P (8 ans) et des préadolescents de 8P (12 ans). Les IOR ont été calculées sur les latences oculomotrices par eye-tracker ainsi que sur les temps de réaction moteurs par réponses clavier. Nous avons émis l'hypothèse que les préadolescents, en raison de leur sensibilité accrue aux émotions, présenteraient une diminution de l'IOR dans la condition chaude. Les résultats obtenus dans les différentes conditions seront présentés et discutés, en mettant en perspective le potentiel de l'IOR comme outil d'exploration des trajectoires attentionnelles atypiques. Cette étude souligne l'importance d'affiner notre compréhension des interactions entre attention visuelle et émotion au cours du développement, et ouvre des pistes pour mieux cerner les déséquilibres entre attention chaude et froide dans des troubles comme le TDAH, où ces mécanismes pourraient jouer un rôle dans les difficultés de régulation attentionnelle et émotionnelle.