De la question du transfert aux questions fondatrices de l’humain en EPS : vers une contribution à un abord anthropologique des contenus de l’EPS - Tome 1 - Note de synthèse

Abstract

La question du transfert renvoie à une exigence éducative liée à un enjeu éthique d’autonomisation des élèves et à un enjeu politique quant à l’utilité sociale de l’École. Or, au regard de la réalité des apprentissages, le transfert apparaît comme un objet énigmatique. La psychologie connaît des difficultés séculaires à éclairer les éventuels processus sous-jacents à celui-ci. Et les débats qu’il occasionne aujourd’hui dans le champ des Sciences et Technologies de la Cognition (STC) ont leur pendant au plan de la recherche en éducation. Si bien qu’il est même difficile de fournir une définition consensuelle du transfert. Au point qu’il n’est guère en l’espèce qu’un consensus quant à ce qu’on pourrait dénommer « trans-faire », selon lequel il s’agit de faire au-delà des apprentissages stricto sensu, à partir des acquis qu’ils ont suscités. Comme toute discipline, l’Éducation physique et Sportive (EPS) est concernée par le problème du transfert. En ce champ l’idée s’est développée, à partir des années 1960, selon laquelle le transfert porte sur des principes d’action dont l’exploitation tient au repérage de similarités entre un apprentissage passé et ce qui est donné à connaître. Hypothèse qui visait à dépasser une controverse née en psychologie au début du XXe siècle, les tenants (behavioristes) de la théorie des éléments identiques s’opposant à ceux (notamment gestaltistes) d’une compréhension de la structure de pensée commune à plusieurs tâches. Un examen des travaux conduits en Sciences de l’Éducation (SE) et en STC a permis de circonscrire les limites de validité de cette hypothèse, le transfert apparaissant d’abord à considérer comme un phénomène portant sur des micro-expertises. L’hypothèse des micro-expertises suggère qu’un acquis donné peut se révéler exploitable pour affronter la nouveauté, mais ne peut suffire en lui-même à satisfaire pleinement les exigences de celle-là. Hypothèse qui a été mise à l’épreuve des faits via une série d’expérimentations étudiant : 1) l’influence d’une spécialisation sportive sur la réalisation d’une tâche distincte de celles auxquelles les sportifs considérés étaient aguerris ; 2) les relations pouvant exister entre les performances produites par un même sujet en diverses tâches ; 3) les effets d’un entraînement sur la réalisation de tâches distinctes de celles ayant servi de support à celui-ci. Études qui ont accrédité l’hypothèse des micro-expertises, fournissant ainsi un repère pour réfléchir à une pédagogie transférogène. Une méta-analyse des propositions émanant de la recherche en éducation a permis de repérer, par-delà la pluralité des points de vue en la matière, un triptyque interventionnel qui renvoie à trois visées : 1) apprendre pour transférer ; 2) apprendre à transférer ; 3) transférer pour apprendre. La pertinence de ce construit dans la sphère de l’EPS a alors été questionnée. Ce, via des études de cas intéressant les discours 1) quant au cap à prendre par cette discipline (visée de vie physique et approche par compétences), 2) quant aux contenus à enseigner en Activités Physiques et Sportives ou Artistiques (APSA athlétisme). Analyses qui ont révélé une dynamique de débat en laquelle un construit émanant de la Science peut prendre place mais non point présider, cette dynamique étant d’abord fonction d’une réflexion aux valeurs et à la culture à transmettre. Ce qui a conduit à s’intéresser aux conditions d’une intégration optimale des apports de la recherche scientifique sur les apprentissages et sur le transfert en une pensée des apprentissages scolaires. Question en débat, tant au plan général des rapports entre Science et Éducation qu’à celui spécifique des relations entre Science et EPS. Une étude de l’utilité des pistes interventionnelles issues de la recherche sur le contrôle et/ou les apprentissages moteurs pour ce qui est de l’enseignement des APSA en EPS a été opérée. L’examen des travaux conduits en ce champ-ci, qui sont en prise avec la question du transfert et renvoient à divers positionnement quant aux hypothèses cognitiviste et dynamiciste, a conduit à pointer une perspective transpositive intégratrice. Cette dernière appelle à un travail de spécification du champ de pertinence en APSA de chaque possible en présence en vue de produire des artefacts pouvant alimenter les bases de connaissances de l’enseignant en EPS. Artefacts dont l’utilisation effective demeure potentielle, pour enseigner des réponses aux problèmes posés par la pratique des APSA. Une analyse des évolutions de la recherche en didactique(s), dans ses rapports avec les STC, les SE et les Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS), a débouché sur une autre perspective. Le patrimoine culturel que vise à transmettre une discipline scolaire est apparu correspondre à un ensemble de réponses provisoires à des questions fondatrices de l’humain dont la clarification renverrait à un axe de recherche per se. L’hypothèse proposée est que ces questions sont fondatrices au point qu’elles valent tout autant en la sphère scientifique. Une méta-analyse des productions quant au contrôle et/ou aux apprentissages moteurs, ou quant au transfert, serait ainsi de nature à aider à la mise en lumière de celles-ci, de même que des travaux expérimentaux originaux pourraient concourir à renouveler la manière de les poser. Des exemples de travaux allant en ce sens ont été fournis, appelant à un prolongement ainsi qu’à une nécessaire mise en regard avec des travaux relevant d’une philosophie des disciplines ou étudiant comment les enseignants et les élèves sont animés par de telles questions.