Pour qui les référentiels de compétences sont-ils une référence ?
Auteur, co-auteurs
Type de référence
Date
2014Langue de la référence
FrançaisEntité(s) de recherche
Résumé
L’introduction du modèle des compétences dans la formation des enseignants a été accompagnée par la création de référentiels, permettant d’expliciter les attentes du système scolaire envers les enseignants. Issus le plus sou- vent de travaux d’experts et souvent portés par les ministères de l’Éducation, ces référentiels consacrent la divi- sion du travail entre ceux qui pensent l’activité enseignante et ceux qui la mettent en œuvre (Maroy, 2002). La question du pouvoir, en jeu dans les préconisations implicites et explicites véhiculées par les référentiels, ne peut être éludée si l’on s’intéresse à l’usage de ces référentiels dans la formation et dans l’évaluation.
Nous aborderons ces enjeux à partir de plusieurs sources. D’une part une étude comparative de 3 instruments d’évaluation relatifs à la compétence à enseigner (André et Zinguinian, 2013) et d’autre part l’analyse de bilans de formateurs de terrain travaillant avec la Haute école pédagogique du canton de Vaud.
Quelques éléments de contexte permettront de situer le cadre de cette recherche. Dans les cursus de formation de cette institution, l’évaluation des modules de stages pratiques se fait par les formateurs de terrain (appelés praticiens formateurs), sur la base d’un référentiel dérivé de celui du Ministère de l’éducation du Québec. Leur rôle dans l’évaluation des étudiants en stage est donc central. Les bilans analysés ont été produits à l’issue de leur formation de praticien formateur. Cette formation, d’un volume de 10 crédits ECTS (European Credit Transfer System) et s’étendant sur 2 ans, abordent les aspects principaux de leur activité de praticien formateur. Les bilans rédigés par les participants à l’issue de leur formation portent autant sur les apports de la formation que sur leur activité de praticien formateur. L’analyse de discours de ces 198 bilans récoltés s’est focalisée, pour cette re- cherche, sur leurs propos relatifs à l’évaluation, au référentiel de compétences et l’utilisation des documents rela- tifs tant au référentiel qu’à l’évaluation.
Nous croisons ces résultats avec le modèle de l’analyse organisationnelle (Crozier et Friedberg, 1977), en particu- lier la notion de pouvoir telle que ces auteurs la développent. Dans cette problématique du pouvoir, on peut dis- tinguer deux dimensions, liées entre elles : le pouvoir d’agir, c’est-à-dire sa propre capacité à agir en situation en vue d’atteindre ses objectifs, et le pouvoir sur les autres, comme capacité à influencer les conduites d’autrui.
En relation avec le référentiel de compétence, la première dimension pose la question de savoir si le référentiel est perçu comme un instrument qui soutient l’action et développe l’agentivité (André, 2013) des évaluateurs. Notre recherche met en évidence des réponses diverses et nuancées, laissant apparaitre le référentiel et les outils qui l’accompagnent (composantes, indicateurs, niveaux de maitrise, grilles d’observation, ...) tantôt comme des outils utiles, tantôt comme des problèmes supplémentaires avec lesquels composer dans son activité. L’appropriation du référentiel est donc très diverse.
Si les reproches adressés par les enseignants au référentiel officiel portent principalement sur les énoncés du réfé- rentiel, dont le genre littéraire et le lexique ne font pas partie du genre professionnel (Clot et Faïta, 2000), on peut raisonnablement faire l’hypothèse que derrière cette critique se cache la seconde dimension, relative au contrôle. Définir un référentiel, c’est présenter une norme relative à l’activité attendue des enseignants. Le référentiel est ainsi un instrument de pouvoir, destiné à influencer les conduites d’autrui auquel il s’adresse. Se joue ainsi la ques- tion de la définition du « bon enseignant », avec les enjeux de légitimité à poser une telle définition. Remarquons que les délégitimisations ne manquent pas de part et d’autre : les « théoriciens » auraient oublié ou n’auraient jamais su ce qu’était un « vrai » élève, les praticiens n’auraient d’appétence que pour des « recettes » et seraient peu enclins à intégrer les « résultats de la recherche ». Comprendre les enjeux de cette lutte plus ou moins ou- verte entre praticiens – praticiens chercheurs produisant des théories, praticiens formateurs, intervenant dans les formations et praticiens enseignants, en contact avec les élèves – nous parait un enjeu pour faire des référentiels des instruments réellement partagés, en passant de ce qui parait une lutte pour la reconnaissance à un conflit cognitif permettant peut-être de dépasser certaines routines défensives (Argyris, 1995).
Références
André, B. (2013). S’investir dans son travail : les enjeux de l’activité enseignante. Berne: Peter Lang.
André, B., & Zinguinian, M. (2013). Approche comparative de trois instruments d’évaluation relatifs à la compé-
tence à enseigner. Paper presented at the 5e colloque Mesure et évaluation, Québec, Université Laval. Argyris, C. (1995). Savoir pour agir : surmonter les obstacles à l'apprentissage organisationnel. Paris: InterEditions. Clot, Y., & Faïta, D. (2000). Genres et styles en analyse du travail. Concepts et méthodes. Travailler(4), 7-42. Crozier, M., & Friedberg, E. (1977). L'acteur et le système : les contraintes de l'action collective. Paris: Ed. du Seuil. Maroy, C. (2002). Professionnalisation ou déprofessionnalisation des enseignants ? Cahier de Recherche du
GIRSEF(18), 2-19.
Nom de la manifestation
26ème colloque de l’ADMEE Europe : Cultures et politiques de l'évaluation en éducation et en formationDate(s) de la manifestation
15-17 janvier 2014Ville de la manifestation
MarrakechPays de la manifestation
MarocURL permanente ORFEE
http://hdl.handle.net/20.500.12162/915- Tout ORFEE
- Détail référence