Du racisme en Suisse ? Analyse des processus de racialisation à l’œuvre dans le discours des enseignant·e·s vaudois·e·s

Abstract

L’idée véhiculant l’idée qu’il n’y a pas de racisme en Suisse, au regard de son histoire, est une croyance partagée dans le pays. Cette croyance est notamment véhiculée par « les récits nationaux longtemps dominants d’un pays réputé être resté en marge du colonialisme et de l’impérialisme » (dos Santos Pinto et al., 2022, p. 29). En conséquence, le racisme y est vu, à tort, comme un simple « incident », une « anomalie », ou limité à l’expression d’une idéologie d’extrême-droite. Quel est le rôle de l’école vis-à-vis de cette problématique sociale invisibilisée ? Peu de recherche se sont penchées sur la question en Suisse, alors que la responsabilité de l’institution scolaire, dans la transmission de connaissances historiques et la construction identitaire est indéniable. En particulier, il s’agit de comprendre comment la question du racisme prend forme à l’école, quels sont les processus de construction à l’œuvre et comment les acteurs et actrices scolaires s’en emparent, dans une lecture critique des rapports sociaux et raciaux régissant l’institution scolaire (Gillborn & Ladson-Billings, 2009). Dans cette perspective, cette communication présente les résultats d’un travail de recherche empirique qui met en évidence processus de racialisation et de discriminations raciales dans l’école vaudoise (Maréchal & Maréchal, 2023). En mobilisant une méthode d’enquête qualitative (Savoie-Zjac, 2011), auprès de six enseignant·es débutant·es primaires de la Haute école pédagogique du canton de Vaud à Lausanne (Suisse), elle a permis d’identifier la manifestation de processus de racialisation dans la pratique pédagogique rapportée, tout en montrant une euphémisation de la question raciale dans les discours de manière générale. En effet, ces processus sont très rarement explicites pour les enseignant-e-s, qui ont tendance à évacuer la question raciale dans leur lecture des rapports sociaux, au profit de concept de culture, qu’iels considèrent plus socialement acceptable. Or, l’essentialisation culturalisante, tout comme l’essentialisation racialisante, représente un réel obstacle à la pensée critique et à la mise à jour des rapports de pouvoir historiquement situés au sein de l’institution scolaire.