Usage des méthodologies narratives pour étudier dans une perspective vygotskienne les pratiques d'accompagnement du jeu de faire-semblant en 1-2H : Une démarche innovante et porteuse pour documenter les pratiques ?

Abstract

L’entrée en vigueur de l’Harmonisation scolaire en 2006 est un changement politique permettant d’assurer une entrée obligatoire à l’école dès 4 ans dans toute la Suisse. Cependant, éducateurs de la petite enfance et enseignants des premiers degrés de la scolarité continuent d’exercer leur métier dans des cadres institutionnels qui restent distincts, perpétuant ainsi une fragmentation entre leurs pratiques pédagogiques (Lazzari et al., 2019). Dès lors, si l’âge auquel la première transition scolaire est vécue a changé dans certaines régions du pays, la transition en elle-même demeure une réalité pour les jeunes enfants. Par ailleurs, bien que la visée d’HarmoS ait été de favoriser une entrée à 4 ans pour tous dans le but de réduire les inégalités, sa mise en place a contribué à primariser les pratiques enseignantes des premiers degrés, rendant ainsi souvent la transition plus abrupte (Clerc-Georgy & Kappeler, 2020). Les manières d’accompagner cette première transition scolaire varient beaucoup selon les contextes, non seulement dans ses dimensions organisationnelles mais aussi financières et politiques (Kibesuisse, pro enfance, 2018). Si la transition est pensée en termes d’espaces, de liens sociaux envers les adultes de référence et les pairs, de collaboration entre caregivers, ou encore d’objets transitionnels, elle n’est cependant que peu envisagée sous le prisme de la continuité des pratiques pédagogiques (Duval & Bouchard, 2013). La prise en compte dans l’enseignement des activités que les jeunes enfants choisissent librement d’investir, et tout particulièrement le réinvestissement du jeu initié par les enfants, s’inscrit dans cette perspective (Siraj-Blatchford et al., 2002). Mais reconnaître la place du jeu dans les pratiques des enseignants des premiers degrés est controversé (Clerc-Georgy & Kappeler, 2020). Il s’avère donc nécessaire de chercher à comprendre les pratiques d’enseignants mobilisant le jeu de faire-semblant dans leur classe. Une recherche-formation a ainsi été menée durant l’année scolaire 2022-2023 sous la forme de Lesson Study (LS) dans le canton de Vaud avec cinq enseignants volontaires et deux chercheuses spécialistes des apprentissages fondamentaux. Des enregistrements vidéo de moments de jeu ainsi que des moments d’échange avec les enseignants ont été réalisés auprès des 5 classes. Dans la perspective théorique vygotskienne, les conflits et transitions vécus par un enfant nous renseignent sur ses opportunités de développement (Fleer, 2008, p.115). Les changements advenant lors du développement de l’enfant seraient ainsi le fruit de contradictions permanentes entre ses besoins et motivations, et sa maîtrise de nouvelles capacités opérationnelles et techniques (Veresov, 2006). Pour tenter de mettre en lumière les conflits et transitions repérés par les enseignants de la LS, les méthodes narratives ont été retenues (Riessman, 1993; Patterson, 2008). Ces méthodes permettent l’identification de la complication de l’action advenant dans chaque bloc narratif identifié par chaque enseignant, faisant ainsi écho aux concepts vygotskiens de conflit et de transition. Les complications de l’action identifiées sont ici prises comme outils pour documenter l’évolution des préoccupations professionnelles des enseignants, et retracer leur éventuelle transformation durant le projet. Cette présentation vise à partager les premiers résultats d’analyse ainsi que les apports et les limites identifiés par cette démarche.