Le corps, « boîte noire » des savoirs de la pratique

Abstract

Le corps de l’enseignant est paradoxalement discret dans les plans de formation à l’enseignement alors qu’il est au coeur de l’action pour enseigner. L’expérience corporelle est imprégnée de savoirs incorporés dans et par l’action, caractérisés par leur nature infra-consciente (Rogalski & Leplat, 2011). Ces savoirs de la pratique se manifestent par/dans des automatismes qui rendent les pratiques professionnelles opaques autant à ceux qui les observent qu’à ceux qui agissent (Clot, 2008). Maintenir ces savoirs dans ce brouillard, c’est se priver d’une part de l’expertise des gestes professionnels (Burel & Andrieu, 2014) qui, en soi, prive l’acteur d’une partie de son pouvoir d’agir et risque de nuire à sa santé (Clot, 2008). C’est par la révélation de l’activité du professionnel que ces savoirs émergent. En plaçant la question des manifestations corporelles au centre de l’intérêt conjoint du chercheur et du professionnel, c’est bien le sujet agissant, poursuivant des « buts d’action », indexés à ses « motifs » et « opérations » qui peut, de son point de vue subjectif, en révéler le « sens et l’efficience » (Léontiev, 1976). Dans la même intention, la démarche de clinique de l’activité (Clot, 2008), en postulant que l’activité est multiplement dirigée (vers soi, vers les autres, vers l’objet), pose l’enjeu d’éclairer de quelle signification sont porteurs les gestes et mouvements du professionnel, réalisés ou empêchés. Les contradictions mises à jour génèrent potentiellement les conflits intrapsychiques à l’origine du développement. Pour aborder cette problématique de discrétion de la formation à la dimension corporelle, nous avons braqué les projecteurs sur les déplacements de deux enseignants novices en EPS. L’hypothèse était de rendre visible une typicité de leur engagement corporel afin de questionner son rapport au développement de leur pouvoir d’agir, à l’acquisition de savoirs pour agir.