L’éducation physique et sportive (EPS) est une forme de pratique physique marquée par des problèmes d’hétérogénéité entre élèves au niveau des attitudes, des morphologies, des niveaux de performances. Cette hétérogénéité place la question de l’évaluation au centre des débats, notamment dans une perspective d’engagement des élèves dans l’activité physique, mais aussi dans un souci d’équité (Cogérino & Mnaffakh, 2008). Le contexte vaudois est spécifique, du fait de l’absence de certification en EPS pendant une longue période, puis d’un cadre d’évaluation sommative standardisé depuis 2015. Cette communication vise donc à analyser les tensions dans l’activité évaluative des enseignants d’EPS vaudois liées à la prise en compte de la diversité des élèves en contexte non noté (Grandchamp et al., 2020). Nous rendrons compte d’une recherche clinique menée en 2017-2018 dans le cadre d’un travail de doctorat.
Cette étude emprunte ses concepts à la Clinique de l’activité (Clot, 2008) qui suppose un processus de développement induit par l’émergence de conflits intrapsychiques qui peuvent être liés, tantôt à des motifs concurrents, tantôt à l’écart entre le prescrit, le réalisé et la part « empêchée » de l’activité au regard des élèves à besoins spécifiques. Une étude qualitative reposant sur 26 entretiens d’autoconfrontation simple et croisée auprès de six enseignants du secondaire 1 au cours d’une année scolaire a permis d’une part d’analyser leur activité évaluative réelle dans un contexte non certificatif, d’autre part de comprendre leur développement grâce à la méthode de Bruno et Méard (2018).
Les résultats montrent que les participants de cette étude sont en proie à des tensions en lien avec le sens d’une évaluation standardisée dans un contexte non noté. Les situations d’évaluation sommative sont sources de conflits intrapsychiques pour les enseignants qui oscillent entre des préoccupations dirigées tantôt vers leur propre confort, tantôt vers des enjeux pédagogiques et éducatifs. Il semble que les enseignants s’écartent du prescrit pour ne pas pénaliser les élèves les plus en difficulté (Brau-Antony et Hubert, 2014) et tendent à prendre en compte, de manière informelle, les progrès et l’engagement des élèves à besoins particuliers dans leur jugement évaluatif. Dans une perspective développementale, nos résultats rendent compte de l’évolution de plusieurs préoccupations récurrentes à l’égard de ces élèves. Le contexte non noté apparaît dès lors comme une opportunité offerte aux enseignants d’inclure les élèves à besoins spécifiques en valorisant leur engagement et leur persévérance.