La place de la nature en tant que source de savoirs au sein des programmes et des manuels scolaires en Suisse : les cas vaudois et tessinois au XIXème siècle

Abstract

Si aujourd’hui la relation entre les individus et la nature est une question vive, cette thématique occupe également une place prépondérante dans les programmes scolaires et les réflexions pédagogiques. Dans le cas suisse, de nouvelles formations sur l’éducation durable sont proposées aux enseignant·e·s. A titre d’exemple, le Plan d’Études Romand (PER) met en évidence l’importance de développer chez les élèves la prise de conscience des enjeux environnementaux (PER, 2012, formation générale, objectifs 16 et 17). Même si les thématiques et la façon de les aborder étaient différentes, la nature a également fait partie des intérêts des pédagogues des siècles passés. Le développement naturel de l’enfant prend une importance particulière dans l’éducation dès le XVIIIème siècle, notamment après la publication de l’Emile de Rousseau (1762). Les possibilités d’apprentissage et d’enseignement offertes par la nature sont également intégrées dans les réflexions pédagogiques (Fuchs, 2014), à l’instar de Pestalozzi, et la mise en place de l’instruction publique en Suisse au XIXème siècle. Considérée à la fois comme un modèle de développement et comme une ressource de savoirs et d’expériences d’enseignements, la nature est présente dans les discours des acteurs·actrices impliqué·e·s dans la mise en œuvre progressive de la forme scolaire moderne (Schnwuely & Hofstetter, 2017), dans les textes prescriptifs et dans les ouvrages scolaires. Afin de retracer l’évolution des multiples facettes de la nature convoquées dans le monde scolaire au XIXème siècle, nous allons comparer deux cas d’études. Plus précisément, nous étudierons deux cantons contrastés, à savoir le Tessin et Vaud. Le premier étant un territoire agricole au Sud des Alpes, montagnard, catholique et de langue et culture italiennes ; le deuxième situé en plaine, agricole et pré-industriel, protestant et francophone. S’appuyant d’une part sur les textes prescriptifs, les programmes, les ouvrages scolaires et d’autre part sur les discours des pédagogues (notamment en étudiant la presse pédagogique), nous mettrons en évidence les changements et les pérennités des invocations de la nature. Nous postulons que certaines de ses caractéristiques qui seront mises en évidence par cette analyse perdurent au fil du siècle. Elles vont alors se concrétiser dans des savoirs scolaires et des pratiques pédagogiques récurrents et sédimentés. La méthode comparative à la fois synchronique et diachronique entre les deux cantons devrait nous permettre de voir dans quelle mesure nous assistons à des transferts culturels donnant lieu à une forme de standardisation silencieuse (Fontaine, 2015) des contenus d’enseignement et d’apprentissage au sein de l’espace helvétique.