La mise en place de règles et de sanctions, un impératif pour la gestion de classe et la régulation du comportement des élèves ?

Abstract

Notre contribution montre comment les enseignant·e·s novices – issu·e·s de la Haute école pédagogique du canton de Vaud - mettent en pratique la formation qu’elles·ils ont reçue en gestion de classe, plus particulièrement en ce qui concerne la régulation des comportements d’élèves. Plusieurs recherches (Bourbao, 2010 ; voir aussi Chouinard, 2009 ; Durand, 1996 ; Opinel 2002) montrent que les enseignant·e·s novices sont principalement préoccupé·e·s par des problématiques liées à la gestion de classe. En effet, les enseignant·e·s novices conjuguent difficilement les préoccupations liées à la discipline en classe avec l’enseignement d’une discipline (Meirieu, 2005). Nous avons mené dix-sept entretiens semi-directifs. Avec treize d’entre-eux, nous avons effectué des auto-confrontations sur la base d’extraits filmés de 90 minutes d’enseignement. Nos constats relèvent des incertitudes et tâtonnements (Huberman, 1989 ; Opinel, 2002) quant à la mise en place d’une organisation apprenante, ainsi qu’une tendance à insister sur la posture de contrôle (Bucheton & Soulé, 2009 ; Chouinard, 2009 ; Durand, 1996). Nous observons aussi des déficits dans la gestion des comportements d’indiscipline des élèves en lien avec l’utilisation des sanctions et des punitions (Archambault et Chouinard, 2003 ; Gaudreau, 2017 ; Jouffroy, 2010 ; Prairat, 2011 ; Rey, 2004). Nous relevons diverses modalités d’intervention allant de la menace à la punition ou la sanction et s’appuyant sur des règles souvent implicites. L’expression de la punition ou de la sanction, les termes étant parfois utilisés l’un pour l’autre, laisse entrevoir une forme de confusion (Blin & Gallais-Deulofeu, 2004 ; Cellier & Robbes, 2005 ; Prairat, 2011). Nous témoignons aussi d’interventions à caractère punitif plutôt qu’éducatif (Gaudreau, Royer, Beaumont & Frenette, 2012) qui dénotent une faible préoccupation pour la fonction socialisante des règles. Les fins éthiques, politiques et sociales de la sanction sont peu ou pas mises en évidence (Prairat, 2011). Le rapport aux comportements difficiles semble se calquer fortement sur des modèles d’expert·e·s marquants et rencontrés à la fois dans le parcours scolaire et durant la formation en stage. Ainsi, dans la construction des gestes professionnels des enseignant·e·s novices durant la formation initiale, nous constatons une influence dominante de la formation en établissement scolaire et une mise en lien fragile avec les apports des enseignements dispensés dans le cours de la formation initiale au sein de l’institut de formation. Ce constat semble dans le cas précis amener l’enseignant·e novice à adopter des postures rigides (Bucheton, 2009) et peu enclines à développer une gestion positive des comportements difficiles (Gaudreau, 2017).