Le fabuleux destin des inégalités scolaires: récits, traductions et trahisons dans la formation des enseignants du secondaire I de la HEP Vaud

Abstract

L’existence d’inégalités scolaires et d’apprentissage est un fait bien établi (Mamede & Netter, 2018) et, dans le contexte d’une école qui se veut inclusive, l’ambition de les combattre occupe une place centrale dans la formation initiale des enseignants. Les avis des formateurs d’enseignants divergent cependant souvent quant aux enjeux, aux causes et aux possibles remèdes aux inégalités scolaires. Pendant leur formation initiale, les futurs enseignants sont ainsi souvent exposés à des théories, des résultats de recherche et des savoirs professionnels contrastés, voire contradictoires. Si cette pluralité de perspectives est inhérente aux sciences de l’éducation (Mérieux, 2018), elle peut être source de perplexité ou de confusion pour les étudiants, sur qui repose en grande partie la responsabilité de traduire ces savoirs dans une posture, des gestes et des outils mobilisables dans l’action. Quelles sélections opèrent-ils entre les contenus proposés durant la formation ? Au moment d’entrer dans le métier, comment traduisent-ils dans leurs travaux les questions liées aux inégalités scolaires ? Quel impact les formateurs peuvent-ils avoir sur ces traductions ? Cette communication vise à explorer ces questions sur la base d’objets produits en fin de formation par les personnes se formant pour enseigner au degré secondaire I (élèves de 12-15 ans) à la Haute école pédagogique du canton de Vaud. Inspirée par la sociologie pragmatique française (Boltanski, 2009 ; Latour, 2006), la communication est issue du deuxième volet d’une enquête qui s’est d’abord penchée sur les contenus de la formation (Poretti, 2018). En adoptant une approche comparative, elle s’intéresse spécifiquement au travail de validation du module d’intégration (une présentation sous forme de diaporama), espace d’analyse de pratiques qui vise à articuler les savoirs autour d’enjeux associés aux inégalités d’apprentissage. La communication suit d’abord les arguments des étudiants au plus près, sans juger de leur validité, afin de produire une cartographie de leurs récits sur les inégalités scolaires (analyse comparée d’environ 80 mémoires et 30 présentations). Afin d’explorer plus en détail les effets de l’encadrement offert par les formateurs, des cas d’étude explorent les transformations successives des objets produits dans le cadre du module d’intégration (comparaison d’un avant-projet et du résultat final à la lumière du dialogue avec le formateur). La communication permet ainsi d’éclairer comment les contenus de la formation sont traduits, voire trahis, par les futurs enseignants. Elle permet aussi d’identifier des possibles leviers permettant aux formateurs d’influencer la capacité des étudiants à penser les inégalités scolaires dans leur complexité.