Regard historique et actuel sur la différenciation genrée dans la formation des futur·e·s enseignant·e·s vaudois‧e·s

Abstract

A l’heure actuelle, dans de nombreux pays, à l’instar d’autres secteurs professionnels, des dis- parités de carrières entre les hommes et les femmes existent dans le monde de l’enseignement (Siniscalco, 2002). En Suisse, cette différenciation sexuée des parcours professionnels semble surtout affecter néga- tivement les femmes enseignantes, en particulier celles du primaire : la forte féminisation du personnel enseignant dans les degrés primaires (OFS, 2019) parait induire un manque de recon- naissance salariale ; le temps partiel deux fois plus élevé (68 %) chez les enseignantes du primaire que chez leurs collègues (CDIP, 2008) entraîne, à l’âge de la retraite, des rentes de vieillesse bien inférieures à celles des hommes ; la nette sous-représentation (67 %) de ces femmes à des postes de direction d’établissements scolaires primaires (OFS, 2019), malgré le taux élevé d’enseignantes, semble indiquer l’existence d’un plafond de verre (Siné, 2017) au sein même d’une institution déjà bien connue pour être un lieu de reproduction des stéréotypes et de socialisation genrée (Duru-Bellat, 1990 ; Mosconi, 2001). Ces constats chiffrés peuvent surprendre, surtout si l’on considère qu’il existe, depuis près d’une quarantaine d’années, des politiques éducatives visant à instaurer l’égalité des sexes au sein des systèmes éducatifs helvétiques. Comment, dès lors, peut-on, à notre époque, expliquer l’existence, dans le secteur de l’enseignement, de carrières encore si tributaires de représentations et de ré- partitions genrées ? Partant du postulat qu’un regard historique est nécessaire afin de mieux comprendre la dif- férenciation sexuée des parcours professionnels des enseignant·e·s du primaire, cette contribution propose d’éclairer le phénomène actuel à la lumière du passé, en se focalisant sur l’histoire de la formation à l’enseignement primaire. Dans un premier temps, adoptant une perspective historique, nous tenterons de contextualiser les parcours différenciés des maîtresses primaires vaudoises, en retraçant l’évolution des formations initiales des enseignant·e·s et les potentiels développements professionnels possibles. Dans un second temps, en mobilisant l’histoire du genre (Scott, 1988), nous questionnerons les processus sous-jacents à la dynamique actuelle en tentant de mettre en lumière les éléments de formation qui ont pu et qui peuvent encore affecter ou faciliter les trajectoires des femmes et des hommes dans l’éducation. A partir de sources archivistiques diverses (textes législatifs, plans d’études, directives, etc.), une analyse historique enrichie des apports de la sociologie du genre (Clair, 2012 ; Duru-Bellat, 2017) sera effectuée et permettra de poser des hypothèses explicatives sur la situation actuelle.