Accéder à l’expérience des élèves pour documenter l’apprentissage et réguler l’enseignement

Abstract

Cette communication propose un regard croisé sur trois recherches exploratoires qui ont pour ambition d’accéder à l’expérience d’apprenants dans des situations d’enseignement. La première concerne l’enseignement qui vise une sensibilisation à l’écoute musicale par une démarche corporelle, la deuxième le processus d’apprentissage compris comme une double montée en abstraction|concrétude (Roth & Hwang, 2006) et la troisième sur le rôle des exemples dans un enseignement propédeutique qui tente d’adopter une « entrée activité ». Ces trois recherches sont intéressants à mettre en regard car ils présentent les mêmes limites pour analyser l’activité. Premièrement, l’activité n’est pas facilement verbalisable car l’apprenant est justement en situation d’apprentissage. Il ne dispose pas nécessairement d’un vocabulaire pour rendre compte d’une expérience qui est encore peu stabilisée. Cette question est à la fois celle de la consensualité à construire entre un chercheur et un apprenant, mais aussi celle de la possibilité de verbaliser ce qui n’est pas compris. Deuxièmement, la documentation de l’activité qui consiste à apprendre peut être fortement compromise à l’aide d’une remise en situation dynamique (par exemple via une autoconfrontation). Il est en effet difficile de faire verbaliser l’expérience qui était celle « avant » un moment clé de l’apprentissage, qui est intervenu entre le moment de l’expérience et la remise en situation dynamique. Plus fondamentalement, chacune de ces limites renvoie à la dimension incorporée - difficilement verbalisable - de l’activité humaine. Ces communications s’inscrivent toutes dans une approche enactive qui conçoivent la perception comme une perçaction, une action qui permet de percevoir. Rendre compte de l’activité implique donc de rendre compte des différentes dimensions de cette action. Mais à ces deux limites s’en ajoutent deux autres pour étudier l’activité d’apprentissage au sein de situations d’enseignement. Premièrement, étudier de tels phénomènes implique de pouvoir articuler des transformations soudaines de l’expérience à des (re)transformations silencieuse sur de longs empans temporels. L’enjeu est alors de jouer sur le grain d’analyse en fonction de la temporalité. Deuxièmement, de telles recherches impliquent de pouvoir préserver l’écologie de la classe et donc pouvoir proposer des situations écologiques de recherche, à savoir des situations de recherche qui contribuent positivement à la viabilité et à l’efficacité des situations d’enseignement-apprentissage. En conséquence, l’ensemble de ces limites permet de poser l’objet de recherche qui n’est pas l’activité mais la transformation de l’activité (Perrin & Vanini De Carlo, 2016). Cela signifie d’une part que la recherche porte sur les transformations significatives - durables ou non - de l’expérience des apprenants et d’autre part que l’enseignants-chercheur vise activement à construire une consensualité, y compris au sein des remises en situations dynamiques. Pour relever ce défi, qui constitue un enjeu de recherche-formation, cette communication propose d’une part d’analyser (et concevoir) les situations d’enseignement-apprentissage dans une approche enactive (Durand, 2008) et d’autre part de penser la régulation de celles-ci comme un jeu entre données et postures en 1ère , 2ème et 3ème personne (Depraz, Varela, & Vermersch, 2011). La première proposition consiste à concevoir l’enseignement comme une offre de possibles qui, s’ils ne sont pas conscients pour l’élève, permettent toutefois d’orientation leurs comportements de manière à tenir compte de ce qui est significatif pour eux. La deuxième contribue proposer une démarche empirique qui permette de rendre compte de l’expérience de l’apprenant et d’articuler les dimensions sensori-motrices pour partie non verbalisable.