Durant les dernières années de sa vie, Vygotski a produit de nombreux textes, cours ou conférences concernant la période de l’âge préscolaire (3 et 7 ans). Dans Apprentissage et développement à l’âge préscolaire (1934/1995), il nous rend attentifs aux spécificités de l’apprentissage à cet âge et à la place intermédiaire qu’occupe cette période entre deux formes d’apprentissage : l’apprentissage spontané (l’enfant apprend selon son propre programme) propre à l’âge du jeune enfant et l’apprentissage réactif (l’enfant apprend en suivant le programme du maître) propre à la période de l’apprentissage scolaire (dès 7 ans).

Par ailleurs, Vygotski (1933/2016) explique que le jeu libre est l’activité la plus propice au développement de l’enfant dans cette même étape d’âge. C’est dans le jeu que débute le développement de l’imagination. Les situations imaginaires libèrent l’enfant des contraintes situationnelles et lui permettent d’apprendre à agir par la pensée. Dans le jeu, ce ne sont plus l’objet ou la situation qui génèrent des significations, mais les significations qui permettent de transformer le réel. L’enfant dépasse alors ce qu’il serait capable de faire dans une situation réelle, il use spontanément de sa capacité à séparer la signification d’un objet de cet objet lui-même, il s’émancipe des limites fonctionnelles d’une situation. Il prend des risques, dépasse ce qu’il pourrait gérer dans une situation formelle, imposée. Le jeu crée ainsi une zone proximale de développement, prépare à la pensée abstraite et favorise les changements dans les rapports au temps et au réel chez l’enfant (Clerc-Georgy, 2016).

Cette contribution fera dialoguer ces textes, d’une part avec les extraits des Textes pédologiques (Vygotski, 1933-1934/2018), et, d’autre part avec des travaux récents sur l’enseignement auprès d’enfants de 3 à 7 ans. Le concept de perezhivanie, présenté dans Le problème du milieu en pédologie (1934/2012) comme une unité indivisible représentée d’un côté par le milieu et de l’autre par la façon dont il est vécu singulièrement, permettra d’éclairer le rôle du jeu libre à l’école. Ce même concept pourra initier une réflexion sur la prise en compte de la perspective des élèves à la fois dans l’enseignement préscolaire et dans les démarches de recherches. Dans le même texte, la nécessité de rendre disponible pour les enfants les formes idéales du développement dès le début de ce dernier, sera l’occasion d’interroger quelques modalités d’enseignement mises en œuvre aujourd’hui dans les premiers degrés de la scolarité. Par ailleurs, le texte lois générales du développement psychologique de l’enfant (1933-1934/2018), présente la question de la différenciation des fonctions psychiques et plus précisément pour l’étape d’âge préscolaire du passage de la dominante perception à la dominante mémoire. Ceci permettra d’analyser le rôle du jeu libre du point de vue de la mise à distance de ce qui est perçu au profit d’une capacité à agir par la pensée.

Enfin, à partir de l’étude de ces différents textes, nous suggérerons quelques pistes pour l’enseignement/apprentissage auprès des élèves de 3 à 7 ans et proposerons des axes de recherche pour mieux documenter les particularités de l’enseignement dans cette étape d’âge.