Une équation à deux inconnues: le développement professionnel des enseignants novices et les moments marquants en classe : revue de littérature et perspectives méthodologiques.

Abstract

Cette recherche doctorale vise à comprendre le développement professionnel d’enseignants débutants à travers des événements marquants en classe. En effet, au contact des élèves, le vécu des enseignants est soumis à des variations émotionnelles importantes (Félix & Saujat, 2015). Pour les enseignants formés en alternance, la classe est un lieu d’émergence des problèmes à résoudre (Perrenoud, 1995) et la majeure partie de leur activité est consacrée au traitement des imprévus (Azéma, 2014). A ce sujet, plusieurs auteurs soulignent que les enseignants débutants agissent en fonction de la tonalité subjective de leurs expériences en classe, selon les variations de leur sentiment de confort ou d’inconfort (Ria & Durand, 2013). Ces expériences émotionnelles sont liées à leurs perezhivanie (Vygotski, 1994)(expériences inoubliables que nous traduisons par « événements marquants ») ainsi qu’à leur réflexion sur ces événements dans leur enseignement (Golombek & Doran, 2014). Une revue de littérature francophone (41) et anglophone (23) traitant du lien entre ces événements marquants et le développement des enseignants débutants sera présentée. Cette revue fait émerger trois pistes de questionnements : - Quel type d’événement favorise ou empêche le développement de l’enseignant novice ? - Comment les variations émotionnelles se manifestent-elles au cours de ces événements ? - Comment l’enseignant exploite ces événements pour son développement professionnel ? Ces questions seront traitées sous l’angle de la théorie de l’activité (Vygotski, 1934/1998 ; Clot, 1999). Dans ce cadre, le développement signifie l’augmentation du « pouvoir d’agir » de l’acteur (son efficience et le sens qu’il attribue à ses actions). Ce processus prend sa source dans la capacité de l’acteur à être affecté par une situation puis il est nourri par les conflits intrapsychiques engendrés par la part empêchée de l’activité (ce que l’acteur n’a pu réaliser). Notre postulat de départ est donc que le développement du pouvoir d’agir est lié à la capacité d’être affecté. Notre hypothèse est que le processus déclenché n’aboutit que si le développement potentiel de l’enseignant débutant est « étayé » au cours de ses conflits intrapsychiques. En ce sens, une étude est envisagée durant une année scolaire. Le suivi longitudinal de 5 enseignants novices en éducation physique sera réalisé. Vingt leçons seront filmées, puis les participants seront confrontés aux traces de leur activité dans des entretiens d’auto-confrontation simple (ACS) et croisée (ACC)(Clot & Faïta, 2000). La dernière étape sera constituée par un retour au collectif. Dans ces entretiens, le chercheur sélectionnera les « marqueurs » de l’affectation du sujet confronté aux traces de son activité (Bournel Bosson, 2011). Une fois ces moments identifiés et analysés, le développement professionnel (éventuel) de l’enseignant novice sera mis en rapport avec les controverses portées par le chercheur lors des ACS, par un pair lors des ACC, par les autres participants lors du retour au collectif. Le développement des enseignants sera repéré par des indicateurs au cours des différentes étapes (Bruno, 2015). Cette étude vise à documenter précisément les types d’accompagnement en formation et à faire évoluer les dispositifs existants.