La fin de la forme scolaire classique ? La recomposition identitaire du projet éducatif face à la diversité des élèves.
Auteur, co-auteurs
Type de référence
Date
2016Langue de la référence
FrançaisEntité(s) de recherche
Résumé
Plusieurs recherches européennes (Maroy, 2006) ont mis le doigt sur les effets inégalitaires de la libéralisation de l’offre scolaire qui entraîne la construction sociale de hiérarchies symboliques entre établissements d’un même espace local. Cette proposition montre concrètement comment ce contexte international de diffusion de référents néolibéraux sur la gouvernance des systèmes éducatifs a contribué à l’autonomisation des établissements au niveau de leurs politiques locales en Afrique du Sud (Johannesburg) et en Belgique francophone (Bruxelles) (Verhoeven, 2011).
Notre hypothèse suggère que l’institution scolaire ne se dissout pas sous l’émiettement du programme institutionnel comme l’entend Dubet (2002) mais qu’au contraire, les transformations qui affectent ces établissements les conduisent à désacraliser leur sanctuaire (Payet, 2005) pour s’appuyer sur de nouveaux référents dans le travail sur autrui ; c’est-à-dire à « refaire institution ». Si l’école ne fonctionne plus comme une institution au sens classique, qu’elle est de moins en moins équipée culturellement pour asseoir un projet de socialisation des élèves (Verhoeven, 200) et qu’elle doit recomposer avec les identités multiples des élèves : elle ne disparaît pas pour autant.
Alors que l’Etat national n’apporte pas de solutions à ces établissements, ce dernier les enjoint à trouver elles-mêmes les arrangements locaux qui leur permettent de « gérer la diversité » de leur public sans négliger les exigences d’efficacité. Nous qualifions ce processus de particularisation des politiques locales des établissements et démontrons, dans le cadre d’une recherche doctorale, l’incidence significative de celle-ci sur l’intégration des élèves. Certaines écoles choisissent d’adapter leur projet institutionnel (valeurs scolaires, projet pédagogique et éducatif) au public qu’elles encadrent en modifiant légèrement leur action éducative, tandis que d’autres mettent en place des stratégies de survie au niveau du recrutement des élèves pour maintenir une position avantageuse dans la hiérarchie scolaire symbolique.
Aussi, cette contribution entend démontrer que, selon l’environnement scolaire, l’école fonctionne dans certains cas (1) comme lieu fort, structurant l’apprentissage, la sociabilité et les identifications ou bien (2) se limite à être un lieu plus faible de négociation des identifications, souvent négatives, car indissociables des processus de stigmatisation dont font l’objet le public de ces établissements.
Le premier cas de figure correspond aux écoles dont le projet institutionnel ne fige pas les identifications sur les catégories ethniques. Les valeurs scolaires offrent au contraire des ressources aux individus dans leurs échanges et leur permet d’établir des connexions entre eux malgré l’existence de différenciations ethniques. Cela veut dire que les identifications des élèves ne restent pas indifférentes à l’hétérogénéité présente dans l’école et que ces contacts culturels vont favoriser la renégociation du contenu des identifications. Si l’établissement ne bénéficie pas d’une position avantageuse sur le quasi-marché scolaire, la rhétorique institutionnelle sera suffisamment prégnante pour que les caractéristiques de l’établissement et de son public ne fassent pas l’objet de la stigmatisation. Les logiques d’action iront dans ce sens, de manière à isoler l’institution des effets néfastes de la hiérarchisation du système comme la relégation, et à consolider le lien avec la communauté environnante pour mieux encadrer les élèves. Ce contexte institutionnel favorise l’identification des élèves à leur école et la construction de soi dans la scolarité.
Le second cas de figure correspond à des contextes scolaires où le projet institutionnel semble induire l’ethnicisation des rapports sociaux entre élèves. Deux situations emblématiques sont présentées :
1) Dans la première, l’établissement bénéficie d’une position avantageuse sur le quasi-marché scolaire mais le projet institutionnel n’offre pas aux élèves la possibilité de se voir reconnaître dans leurs différences.
2) Dans la seconde, l’établissement apparaît dans une position beaucoup plus précaire face au poids de la relégation qui pèse sur les parcours scolaires des élèves. Il n’existe pas de rhétorique institutionnelle claire et visible sur la place de la différence à l’école et sur le traitement de cette hétérogénéité au quotidien, ce qui renforce la disqualification des trajectoires individuelles et le sentiment d’exclusion des élèves. Comme l’établissement n’a pas une position attractive dans la hiérarchise scolaire locale, la ségrégation scolaire et la discrimination dont font l’objet certains élèves induisent l’ethnicisation des conduites dans l’enceinte scolaire.
L’ambition de cette comparaison internationale est d’approfondir la compréhension de différentes formes de revendications identitaires à l’école et la demande de reconnaissance qui les accompagne. Ainsi, cette comparaison détour vise à mieux déceler la spécificité sociologique et historique des deux contextes nationaux tout en permettant de comprendre les effets comparables de l’internationalisation de principes normatifs – mesure de l’efficacité des systèmes de formation par PISA par exemple – sur la structuration de l’offre scolaire et la création de nouvelles inégalités sociales et ethniques au niveau institutionnel (logiques de ségrégation et d’exclusion). L’éloignement géographique favorise ainsi l’émergence de questions nouvelles pour interroger le contexte scolaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la même manière que les terrains bruxellois apportent des clés nouvelles de compréhension pour appréhender les logiques d’identification qui accompagnent la transition post-apartheid dans les écoles de Johannesburg.
Les données de cette recherche doctorale sont issues d’une ethnographie scolaire réalisée durant deux ans dans deux établissements scolaires de Bruxelles et qui ont été sélectionnés à partir de trois critères : la position de l’école sur le « quasi- marché scolaire », la composition du public scolaire (le caractère culturellement hétérogène des populations scolaires) et le contexte environnemental de l’école (le type de quartier urbain circonvoisin et son incidence sur la vie scolaire).
Nom de la manifestation
Congrès annuel de la Société Suisse des Sciences de l’ÉducationDate(s) de la manifestation
29 juin - 1er juillet 2016Ville de la manifestation
LausannePays de la manifestation
SuisseURL permanente ORFEE
http://hdl.handle.net/20.500.12162/1684- Tout ORFEE
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