La transformation de l’activité dans la conception de l’action : Les récits projectifs dialogués comme régulateurs de l’activité d’enseignement

Abstract

Selon Schütz (2008), toute action rationnelle est le résultat d’un projet préalablement conçu par un sujet. En ce sens, le projet diffère de l’acte de l’action elle-même, car, d’une part, il se situe dans une temporalité différente, préalable à l’acte et, d’autre part, il n’existe que dans la pensée réflexive et non dans l’expérience immédiate. La signification de l’action naît donc dans la projection et elle se développe et se transforme dans l’exécution de l’action et, plus tard, dans le retour sur le vécu. Si l’un des intérêts de la formation des enseignants, que ce soit en formation initiale ou en formation continue, est la transformation de l’activité d’enseignement, cette transformation doit être pensée en trois temps : dans sa conception, dans son exécution et dans son analyse a posteriori. Selon où nous nous situons, nous pouvons trouver trois types de réflexions différentes : la réflexion-avant-l’action, la réflexion-dans-l’action et la réflexion-après-l’action. À partir du modèle du praticien réflexif, suite aux travaux de Schön (1983), les recherches dans le domaine de la formation des enseignants se sont principalement concentrées sur la réflexion-en-action et la réflexion-après-l’action (Schneuwly, 2015), mais très peu ont été produites sur la réflexion des enseignants pendant la planification (Maulini & Vellas, 2001). Notre proposition consiste à aborder le problème de la réflexion-avant-l’action pendant la planification de l’activité d’enseignement. Nous sommes intéressés à observer quels sont les éléments qui interviennent dans ce processus, quels sont les tensions et les dilemmes que les enseignants rencontrent lorsqu’ils prennent des décisions et quels sont les événements qui peuvent produire des changements significatifs dans la projection de leur activité. Pour ce faire, nous analyserons un dispositif de formation, les récits projectifs (Maldonado, 2021). Notre analyse, interprétative-herméneutique du discours des enseignants, est construite à travers deux référents théoriques-méthodologiques, le discours de l’action (Ricœur, 1977) et le discours en interaction (Kerbrat-Orecchioni, 2005). Comme le montrent les résultats de l’analyse, la réflexion-avant-l’action s’articule autour de quatre points : le désir, le devoir, le savoir et le pouvoir (capacité et possibilité). Ces quatre éléments peuvent se trouver dans une relation cohérente et faciliter le processus de décision ou ils peuvent être en contradiction, générant ainsi une tension chez l’enseignant. Les résultats nous indiquent que ces moments de tension sont ceux qui produisent des changements significatifs dans la conception de l’action et ont un impact direct sur la signification de l’activité réalisée. Ces tensions peuvent naître du rapport que les enseignants entretiennent avec les conditions situationnelles de leurs pratiques ou être produites par l’introduction d’un élément extérieur lors des interactions avec les autres participants à la formation. Le dispositif analysé instaure des situations d’interaction entre enseignants stagiaires et formateurs autour de la planification de l’activité. La diversification des points de vue et la problématisation collective des séquences didactiques planifiées produisent des situations de tension qui conduisent les enseignants à une transformation des significations de leurs activités.