« Mommy brain » : Évaluation longitudinale des ressources attentionnelles cognitives et affectives périnatales chez la mère et son nourrisson

Abstract

Dès le début de grossesse, les futures mères sont confrontées à de nombreuses modifications physiologiques, cognitives et émotionnelles. Différentes études ont mis en évidence une véritable réorganisation fonctionnelle du cerveau maternel, ou « mommy brain », nécessaire au partage de ressources énergétiques entre la mère et le fœtus en développement. Plus précisément, des déficits ont été rapportés par les mères et observés empiriquement dans les fonctions cognitives exécutives « froides » (non émotionnelles) telles que la mémoire et l’attention, mais ces modifications coexisteraient avec des améliorations d'autres fonctions cognitives essentielles à la survie de la mère et du fœtus telles que la cognition sociale et le traitement des informations émotionnelles (cf. Ziomkiewicz et al., 2019). Ces réorganisations fonctionnelles joueraient donc un rôle adaptatif permettant à la mère de protéger son enfant de menaces éventuelles. Notre étude s’intéressait à ces spécificités de la période périnatale et visait à évaluer les performances dans une tâche associant processus attentionnels et expressions faciales émotionnelles. Pour ce faire, nous avons recruté des femmes enceintes, évaluées en fin de grossesse et en post-partum avec leur bébé de 6 mois, et des femmes contrôles. Nous avons mesuré en parallèle les niveaux d’anxiété et de symptômes dépressifs des femmes afin d’étudier leurs impacts éventuels sur le développement de biais attentionnels chez la mère ou le nourrisson. Pour les processus attentionnels, nous avons développé une tâche d’Inhibition de Retour avec interférences émotionnelles (visages distracteurs de joie, neutre et triste), et nous avons enregistré les mouvements oculaires par eye-tracker. L’IOR (Inhibition of return, IOR) est un processus attentionnel qui entraine une augmentation des temps de latence lors de l’exploration d’un champ visuel récemment examiné, au profit du champ visuel encore non exploré. Il s’explique comme un processus adaptatif, privilégiant l’orientation vers un environnement encore incertain par rapport à un environnement déjà contrôlé. Nos résultats préliminaires nous permettent dans un premier temps de valider la tâche pour une utilisation chez les adultes et les nourrissons. Nous retrouvons bien un effet IOR et notre mesure permet d’observer un effet d’interférence dépendant de l’expression faciale émotionnelle (Joie, Neutre ou Triste). Les observations entre les femmes contrôles et femmes enceintes mettent en évidence une évolution des performances attentionnelles cohérentes avec le Mommy brain. Les mesures en postpartum, chez les bébés et les analyses corrélationnelles entre mère et bébés seront également présentées et discutées en lien avec le rôle adaptatif de ces réorganisations fonctionnelles. Les enjeux en cas de biais attentionnels potentiels vers des stimuli à valences négatives chez les mères et/ou bébés dans des contextes de dépressions maternelles seront discutés pour considérer l’importance des prises en charge précoces.