Transposition didactique de pratiques musicales transculturelles : de l’informel afro-brésilien à l’institutionnel français

Abstract

Les musiques afro-brésiliennes irriguent une partie de la culture musicale française depuis de nombreuses années. Participant à une mutation de l'enseignement musical scolaire en France, certaines d’entre elles sont introduites en classe par un nombre croissant de professeurs d'éducation musicale en collège. Sa représentante la plus connue, la batucada, constitue ainsi un dispositif à fort potentiel pédagogique, notamment en terme de jeu collectif et d'oralité. Elle possède cependant des caractéristiques singulières qui la rendent a priori incompatible avec l’organisation didactique du système institutionnel français : transmise au Brésil de manière informelle et dans une temporalité adaptée à une lente imprégnation, elle intègre des principes fondamentaux d’organisation rythmique qui n’ont pas véritablement d’équivalent en Occident. Totalement implicites, ceux-ci ne font pas l’objet d’une didactisation au Brésil et se révèlent filtrés par la perception cognitive des enseignants français dont la forte enculturation musicale occidentale forme un véritable filtre culturel. Insuffisamment formés à l’interculturel, ces enseignants se retrouvent ainsi confrontés à des centrations psycho-cognitives qui biaisent leur propre apprentissage et les conduisent à construire un « savoir à enseigner » amputé de ses composantes essentielles. Cette tentative de formaliser une pratique informelle induit un changement de paradigme qui sera analysé au travers du concept de « transposition didactique ». Cette étude souhaite porter un éclairage nouveau sur le rapport de l’institution à ce type d’objet transculturel, questionnant par ricochet les savoirs transmis à l’Ecole, et donc les transformations indirectes et durables sur la société.