ntégrer la littérature numérique aux pratiques d’enseignement ordinaires en classe de littérature.

Abstract

Il est aujourd’hui généralement admis que la littérature numérique témoigne d’un développement continu qui explore les possibles offerts par une technologie en évolution permanente (Bisenius-Penin et al., 2022 ; Bouchardon, 2014). Si l’hybridité de l’œuvre littéraire numérique [OLN, désormais], voire son statut au sein du champ littéraire, nourrissent des positions solidement argumentées et parfois antagonistes (Saemmer, 2011), ces caractéristiques posent des questions vives à la didactique de la littérature par rapport à leur transposition en contexte scolaire (Bouchardon, 2017 ; Brunel, 2021 ; Lacelle et al., 2017). Un consensus fort se dégage des recherches en didactique sur la littérature numérique et préconise d’associer les compétences en compréhension et en analyse traditionnellement mobilisées lors de l’étude d’œuvres imprimées et leurs équivalentes numériques, réaffirmant la permanence de certains objets littéraires et didactiques et les spécificités inhérentes au numérique dans une importance partagée. Or, si la pertinence d’enseigner la littérature à partir de corpus de littérature numérique est ponctuellement relevée dans diverses publications, on constate que les OLN ne sont que peu convoquées dans les pratiques d’enseignement dites ordinaires (Florey, 2023). En effet, lire de la littérature numérique semble constituer originellement le choix des équipes de recherche, et plus rarement celui du corps enseignant. Cet impensé nous conduit à problématiser la possibilité de déterminer des objets-frontières (Monod-Ansaldi & al., 2019), en didactique de la littérature numérique, au croisement des intérêts des chercheur·se·s et des praticien·ne·s, articulant un concept à une situation de classe. Pour le dire autrement, si la recherche atteste d’un intérêt pour la didactique de la littérature numérique, à quelles conditions cet intérêt peut-il rencontrer également celui des enseignant·e·s, et partant, constituer une condition qui favorise l’intégration des OLN dans les pratiques ordinaires ? Pour répondre à cette interrogation, nous nous fonderons sur les données collectées dans le cadre du projet LOLN (Lire des œuvres littéraires numériques) actuellement en cours (2024-2026). Neuf enseignant·e·s suisses du secondaire post-obligatoire (élèves de 15 à 18 ans), de différentes filières (maturité, diplôme, culture générale) sont invité·e·s à constituer un corpus d’OLN, à définir des objets d’enseignement et d’apprentissage et, enfin, à construire une séquence didactique qui valorise l’intégration de la littérature numérique dans le cursus. S’agissant des données à analyser, nous disposerons de questionnaires complétés au début du projet (mars 2024) et des séquences construites par le corps enseignant (juin 2024). Nous envisageons une analyse double : (1) En amont du travail réalisé avec les enseignant·e·s, nous avons inventorié les caractéristiques littéraires, numériques et didactiques d’un corpus d’OLN constitué par nos soins. Nous confronterons les analyses initiales produites par les enseignant·e·s sur des extraits de ce corpus, ainsi que celles qu’ils·elles auront réalisées pour préparer leur séquence. (2) Une fois les séquences construites, nous comparerons les objets et les tâches d’élèves projetées aux résultats d’une méta-analyse (Florey & Nguyen, 2024, soumis) proposant une cartographie des recherches sur la littérature numérique entre 2012 et nos jours en termes d’objets enseignés et de tâches réalisées dans les classes. Dans les deux versants de cette analyse, nous chercherons à définir des objets-frontières, à identifier des convergences ou des hiatus entre des visions émanant des chercheur·se·s et du corps enseignant. La perspective consistera à commenter ces rapports afin de mieux comprendre comment légitimer les corpus d’OLN pour qui souhaite les aborder dans son enseignement.