Relations entre compétences socioémotionnelles et émotions face à l’enseignement des étudiant.es HEP

Abstract

Les émotions et les compétences socioémotionnelles sont aujourd’hui considérées comme des composantes essentielles pour apprendre et enseigner (p.ex., Audrin, 2020). Du côté des élèves, l’anxiété et l’ennui sont des émotions très fréquentes qui péjorent les apprentissages, alors que des émotions agréables comme l’intérêt et la joie contribuent à la motivation, à la résolution de problèmes ou encore à la créativité (p.ex., Gay & Shankland, 2019). Du côté des enseignants, les émotions ressenties influencent non seulement le bien-être, mais également l’engagement professionnel et l’efficacité pédagogique (Jennings & Greenberg, 2009). Par contagion, elles influencent également les émotions ressenties par les élèves. Dès lors, comme des études récentes ont pu le démontrer en Suisse romande, le niveau élevé des compétences socioémotionnelles des enseignant·es est associé à une plus grande efficacité perçue dans la gestion de classe (Gay et al., 2022) ainsi qu’une moindre symptomatologie de burnout (Gay & Genoud, 2020). Si le développement des compétences socioémotionnelles des enseignants s’impose aujourd’hui unanimement comme un défi d’avenir, aucune recherche n’a encore à ce jour adressé cette question dans le contexte de la formation initiale des futur·es enseignant·es suisses. La présente contribution se propose ainsi d’explorer les relations entre les émotions des futur·es enseignant·es face à l’enseignement (anxiété, colère et joie) et leurs compétences socioémotionnelles, à savoir leurs capacités à identifier, comprendre, exprimer, réguler et utiliser leurs propres émotions et les émotions des autres. Dans ce but, 192 enseignant·es en formation (146 pour le secondaire, 46 pour le primaire ; 74 hommes, 118 femmes et 1 non-réponse ; âgés de 21 à 34 ans) ont rapporté leur expérience dans l’enseignement et complété la version courte du profil de compétences socioémotionnelles (Mikolajczak et al., 2014) ainsi que l’échelle des émotions des enseignants (Frenzel et al., 2016). Les résultats indiquent que la joie est l’émotion qui prédomine, suivie par l’anxiété et la colère. Ces deux émotions désagréables diffèrent selon les niveaux d’expérience rapportés par les enseignant·es en formation. Enfin les analyses de régression multiple montrent que la joie dans l’enseignement est prédite par de meilleures compétences de régulation des émotions d’autrui et de ses propres émotions ; que la colère est prédite par une moins bonne régulation des émotions d’autrui et une meilleure compréhension de ses propres émotions ; et que l’anxiété est prédite par une moins bonne régulation de ses propres émotions. Cette recherche corrélationnelle ne permet pas de déterminer de lien de cause à effet, mais donne de premières indications pour cibler les compétences socioémotionnelles qui pourraient être entraînées de manière privilégiée pour promouvoir des émotions agréables et limiter les émotions néfastes des enseignant·es. Des recherches ultérieures pourraient suivre longitudinalement les enseignant·es en formation et utiliser d’autres outils de mesures (p.ex., grilles d’observations en classe, mesures physiologiques du rythme cardiaque, tests d’intelligence émotionnelle, entretiens semi-directifs). Pour conclure, nous proposerons quelques pistes afin de développer les compétences socioémotionnelles qui favorisent l’enseignement, l’apprentissage, et aussi la santé (psychique et physique) ainsi que la mise en place de relations sociales harmonieuses et durables.