L’enseignement de la géographie en Anthropocène : une question d’engagement ?
Teaching geography in the Anthropocene: a question of commitment?
Auteur, co-auteurs
Type de référence
Date
2023-05Langue de la référence
FrançaisEntité(s) de recherche
Résumé
L’école et par conséquent la géographie scolaire, sont traversées directement par la question de l’engagement à différentes échelles d’actions et d’acteurs :
- l’engagement des enseignants et en particulier leur posture face à l’enseignement de problèmes controversés d’une part ;
- l’engagement des étudiants voire des élèves, par exemple la marche des lycéens pour le climat en mars 2019, d’autre part ;
- l’engagement de l’école en contexte de défis sociétaux majeurs en particulier la remise en question de la neutralité de l’école (Chauvigné et al., 2022). Le développement des « Éducation à », notamment l’éducation au développement durable dans laquelle la géographie est plus particulièrement investie, a d’ores et déjà conduit à d’importantes modifications curriculaires et de nouvelles injonctions pour la formation des enseignants.
Dans cette proposition nous souhaitons examiner plus précisément ce que le contexte Anthropocène pourrait apporter à la question de l’engagement des acteurs du système éducatif et en particulier poserait-elle à la géographie enseignée un nouveau défi ?
L’Anthropocène figure un contexte géologique en passe d’être bientôt officiellement reconnu, comme en témoignent les travaux du Groupe de travail sur l’Anthropocène (AWG) au sein de la commission internationale de stratigraphie (Waters & Turner, 2022).
Par ailleurs, l’Anthropocène oriente déjà un certain nombre de travaux de recherche en sciences humaines et sociales.
Cette nouvelle époque géologique fait l’objet dorénavant de nombreuses investigations scientifiques comme en témoigne une littérature plurielle et le récent dictionnaire critique de l’Anthropocène paru aux Éditions du CNRS (Groupe Cynorhodon, 2020). L’expression Anthropocène désigne le fait que pour la première fois une époque géologique serait définie par l’action humaine. Au cours du siècle dernier, de nombreux éléments du système terrestre ont tellement changé qu'ils ne se situent plus dans les limites de l'Holocène. Il faut donc constater une rupture dans l’histoire de l’humanité (Bonneuil et Fressoz, 2013). Des marqueurs spécifiques tels que des particules de plutonium, de carbone, des micro-plastiques et des produits chimiques, sont désormais repérables au sein de sites lacustres, maritimes, de coraux, de tourbière, ou des glaces de l’antarctique. Ces éléments font écho aux récentes et brutales augmentations de la population humaine, à l'industrialisation, à la mondialisation et à l’urbanisation sans précédent. Des changements majeurs sont imposés aux paysages, au climat et à la biosphère.
Le champ de recherches ouvert par cette nouvelle époque géologique est d’emblée pluridisciplinaire. L’Anthropocène est en soi une question systémique et engagée. Par ses controverses mais aussi par les champs de connaissances qu’elle doit mobiliser, cette période est source de tensions et conflits actuels et à venir. Les questions sont nombreuses : la responsabilité, le catastrophisme vs la négation, le conflit entre générations, les conceptions politiques, les victimes (Garnier et al., 2021) ainsi que des points de vue divergents entre pays à l’échelle de la planète et les problématiques de justice environnementale.
Aussi, il paraîtrait opportun que l’éducation, l’institution scolaire et les acteurs de la formation des enseignants s’emparent de ce contexte. Toutefois prendre en compte l’Anthropocène semble heurter l’héritage de neutralité scolaire d’une part, les objectifs de l’éducation à l’environnement suivie de l’éducation au développement durable (EDD) d’autre part. En effet, l’EDD est cadrée par des injonctions politiques et internationales telles que les agendas 2030 et les dix-sept objectifs de développement durable par exemple. La remise en question du développement tel qu’intégré au XXe siècle pourrait être la pierre d’achoppement.
Nous proposons une réflexion à la fois épistémologique, théorique et didactique, afin d’ouvrir le débat vis-à-vis des effets et des enjeux de l’Anthropocène pour l’éducation d’une part et plus précisément pour la géographie scolaire. Dans cette perspective, nous présenterons les étapes et les enjeux principaux de la reconnaissance de l’Anthropocène (Latour, 2015) avant de situer ce nouveau paradigme dans la lignée des Éducations à, puis nous évoquerons des pistes possibles pour la géographie.
Nous appuierons notre réflexion sur des résultats et des expériences didactiques conduites à la Haute École pédagogique du canton de Vaud qui assure la formation initiale et continue des enseignants du primaire et du secondaire (Suisse romande). En particulier un séminaire de recherche initié en 2022, des séminaires de formation initiale en filières primaire et secondaire. Le concept d’Anthropocène a été introduit non sans difficultés, il n’est pas accepté de manière unanime par les formateurs·trices, voire même, il est parfois inconnu des étudiant·e·s.
Résumé traduit en anglais
Schools, and consequently school geography, are directly affected by the question of commitment at different levels of action and actors: - the commitment of teachers and, in particular, their attitude to teaching controversial issues on the one hand ; - the commitment of students and even pupils, for example the march of high school students for the climate in March 2019; - engaging schools in the context of major societal challenges, in particular the questioning of the neutrality of schools (Chauvigné et al., 2022). The development of 'education for', in particular education for sustainable development in which geography is particularly involved, has already led to major curricular changes and new requirements for teacher training. In this proposal, we would like to take a closer look at what the Anthropocene context could bring to the question of the commitment of the players in the education system and, in particular, would it pose a new challenge for the geography taught? The Anthropocene is a geological context that is soon to be officially recognised, as shown by the work of the Anthropocene Working Group (AWG) within the International Commission on Stratigraphy (Waters & Turner, 2022). Moreover, the Anthropocene is already guiding a number of research projects in the human and social sciences. This new geological epoch is now the subject of numerous scientific investigations, as evidenced by a wide range of literature and the recent critical dictionary of the Anthropocene published by the CNRS (Groupe Cynorhodon, 2020). The term Anthropocene refers to the fact that, for the first time, a geological epoch has been defined by human action. Over the last century, many elements of the Earth system have changed so much that they no longer fall within the boundaries of the Holocene.There has therefore been a break in human history (Bonneuil and Fressoz, 2013). Specific markers such as particles of plutonium, carbon, micro-plastics and chemicals can now be found in lake and sea sites, coral reefs, peat bogs and Antarctic ice. These elements echo recent sharp increases in human population, industrialisation, globalisation and unprecedented urbanisation. Major changes are being imposed on landscapes, climate and the biosphere. The field of research opened up by this new geological epoch is immediately multidisciplinary. The Anthropocene is in itself a systemic and committed issue. Through its controversies, but also through the fields of knowledge that it must mobilise, this period is a source of current and future tensions and conflicts. The issues are numerous: responsibility, catastrophism vs. denial, conflict between generations, political conceptions, victims (Garnier et al., 2021) as well as divergent points of view between countries on a global scale and issues of environmental justice. It would therefore seem appropriate for education, schools and teacher training institutions to take this context on board.However, taking the Anthropocene into account seems to clash with the heritage of neutrality in education on the one hand, and the objectives of environmental education followed by education for sustainable development (ESD) on the other. Indeed, ESD is framed by political and international injunctions such as the 2030 agendas and the seventeen sustainable development goals, for example. Questioning development as integrated in the twentieth century could be the stumbling block. We propose an epistemological, theoretical and didactic reflection in order to open the debate on the effects and challenges of the Anthropocene for education and, more specifically, for school geography. With this in mind, we will present the main stages and issues involved in the recognition of the Anthropocene (Latour, 2015) before situating this new paradigm within the lineage of Educations à, and then we will discuss possible avenues for geography. We will base our reflections on didactic results and experiments conducted at the Haute École pédagogique du canton de Vaud, which provides initial and in-service training for primary and secondary school teachers (French-speaking Switzerland). In particular, a research seminar initiated in 2022 and initial training seminars in primary and secondary education. The concept of the Anthropocene has been introduced with some difficulty; it is not unanimously accepted by trainers, and is sometimes even unknown to students.Nom de la manifestation
Colloque Engagement(s). Rencontres 2023 du Comité National Français de Géographie (CNFG).Date(s) de la manifestation
24 et 25 mai 2023Ville de la manifestation
ValenciennesPays de la manifestation
FrancePortée de la manifestation
nationaleURL permanente ORFEE
http://hdl.handle.net/20.500.12162/6864- Tout ORFEE
- Détail référence