Didactique de la conception

Abstract

Apprendre à concevoir des artefacts et des systèmes artificiels en débutant par la reconception d’objets du quotidien permettrait d’ouvrir de nouvelles perspectives dans la formation d’acteurs amenés à prendre des décisions et à faire face à des situations complexes associées à de l’incertitude (Didier, 2017). Dans cette logique de « démocratisation » de l’activité de conception, nous proposons de former des élèves, étudiants ou professionnels en cours de formation à la réalisation d’activités de conception dans différents contextes. Plus encore, la conception déployée en contexte de formation mobiliserait des capacités participant à l’émancipation de l’individu en le rendant capable de modifier ses points de vue ainsi que sa manière de s’approprier le savoir (Didier et Bonnardel, 2020).

Dans cette communication du 4 mars, nous proposons dans une première partie de spécifier les différents apports de l’activité de conception en contextes de formation. En effet, la conception mobilise des phases de recherche, de questionnement, de génération d’idées, de gestion des contraintes, de création d’hypothèses, d’anticipation et de résolution de problèmes, souvent mal définies, qui nécessitent de la part du concepteur la construction progressive d’une représentation mentale de plus en plus complète et précise (ibid, 2020). Cette activité recèle donc une part de créativité et d’inventivité, reconnues comme complexes et même critiques, compte tenu de leur importance pour définir les caractéristiques principales d’un futur objet (Bonnardel, 2012 ; Choulier, 2008) Les activités de conception requièrent l’expression d’une idée, d’un processus ou la réalisation d’une production qui font intervenir différentes ressources matérielles et symboliques (Bonnardel, 2006). Elles sont également considérées comme des activités de résolution de problèmes non routiniers, sans aucune procédure prédéfinie de résolution de problèmes et nécessitant l’élaboration d’une procédure nouvelle (ibid, 2006).

Dans un second temps, nous proposons de revenir sur l’introduction des activités de conception en contexte de formation en mettrant évidence des travaux portant sur la didactisation de la conception (Bonnardel et Didier, 2016, 2020 ; Didier, Lequin et Leuba, 2017 ; Lebahar, 2004, 2007; Tortochot, 2012) . Ces recherches soutiennent que cette activité complexe peut être un levier participant au développement et à l’apprentissage de l’individu. Par ailleurs, l’apprentissage de la conception nécessite de repenser les dispositifs de formation, que ce soit dans le cadre de l’école obligatoire, des écoles professionnelles ou de la formation universitaire, afin de former des acteurs capables de modifier, d’améliorer et de repenser des artefacts et des systèmes (simples ou complexes) (Didier, Lequin et Leuba, 2017 ; Lequin, 2020). Parler de didactisation de l’activité de conception induit une centration sur l’activité de réflexion située en amont de la réalisation ainsi qu’une conscientisation de l’activité réalisée (Bonnardel et Didier, 2016, 2020 ; Didier et Bonnardel, 2017). Cette activité de réflexion nous amène à mettre en évidence le caractère constructif pour l’apprenant qui doit mobiliser différentes capacités transversales lors de la conception et de la réalisation d’artefacts ou de systèmes. L’analyse a posteriori des activités de conception engendre une coordination conceptuelle, une mise en évidence de schèmes opérationnels (organisation des invariants et généralisation), une transformation du réel ainsi que de sa représentation qui participe à une anticipation du futur, du lointain et du virtuel (Pastré, 2006, 2011). Dans cette logique, nous pourrions postuler que l’activité de conception associée à une conceptualisation dans l’action (Pastré, 2008, 2011 ; Piaget, 1974) donnerait lieu à un « learning by designing » (apprentissage par la conception) (Didier et Bonnardel, 2020).