Les situations de crise sont doublement fertiles pour la recherche. En fragilisant l’ordre social, elles rendent visibles les actions nécessaires à le restaurer. Elles obligent aussi les actrices et les acteurs, confronté·e·s à un monde commun qui vacille, à expliciter leurs logiques. En ce sens, en Suisse comme ailleurs, la pandémie de Covid a été un excellent révélateur des logiques des différentes parties prenantes de l’école, forcées à poser à de nouveaux frais des questions cruciales, portant notamment sur le rôle de l’instruction obligatoire, l’importance de la relation pédagogique, les liens école-familles ou les conditions (sociales et matérielles) qui favorisent les apprentissages.
La chapitre, basé sur l'analyse qualitative et comparative de plus de 100 documents publiées entre mars et septembre 2020, suit de près les mutations de l’école publique en Suisse pendant la pandémie de Covid, en cartographiant les controverses qui ont accompagné les tournants clés, tels que la fermeture des écoles au printemps 2020, les tentatives d’assurer une « continuité pédagogique » et les conditions de possibilité d'un retour en classe.
La Suisse est un cas d’étude particulièrement pertinent pour une démarche comparative, car chaque canton conduit sa propre politique éducative. La recherche souligne la pluralité des logiques des actrices et des acteurs de l’école, mais aussi la forte légitimité de la protection de la vie et de la santé, valeurs qui ont largement prévalu sur le droit à l’éducation. Elle montre aussi comment les enjeux d’apprentissage et d’inclusion se sont graduellement transformés pendant la pandémie, faisant notamment place à une logique du « care » et interrogeant en profondeur la place et le sens des évaluations à l'école.