Notre définition de la culture se base sur la sociologie pragmatique : les individus façonnent progressivement l’organisation collective à travers l’échange langagier à propos de ce qui est bien, bon, juste, légitime de faire ou non. Ces représentations sont progressivement stabilisées et normalisées. En naissant dans un monde provisoirement « donné », le processus susmentionné est inaccessible à notre mémoire biographique. Fruit de cette coordination, la société est donc une réalité à la fois objective et subjective. Les normes, une fois instituées, s’enseignent et s’apprennent. Une fois intériorisées elles constituent la toile de fond nous permettant d’évaluer et d’orienter l’action singulière (Berger et Luckmann, 1986).
Nous développons ensuite cette perspective, à partir de données discursives construites dans un dispositif de recherche-formation participative destiné à soutenir la mise en place d’une école inclusive et permettant de construire des problématisations à partir de récits d’expérience d’enseignant·e·s. Il en ressort que, dans toutes les thématiques traitées (apprentissages, collaboration, autorité), les tensions exprimées confrontent des conventions rivales, issues respectivement du monde industriel et des mondes civique et inspiré (Boltanski & Thévenot, 1991). Les pistes que nous leur apportons puisent dans le monde connexionniste (Boltanski et Chiapello, 1999), faisant de nous les « vecteurs » de la colonisation du monde vécu (Habermas, 1987) par le néolibéralisme (Stiegler, 2017). Ces développements nous permettent d’interpréter le sentiment de décalage entre culture professionnelle et organisationnelle et de nous interroger sur le risque « d’infection culturelle » que peuvent colporter les discours de formation (Gather Thurler & Progin, 2013).