Pour l’UNESCO (2013), les pratiques sociales qui structurent la vie d’une communauté ou d’un groupe et auxquelles un grand nombre de ses membres participent font partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Le conseil de coopération peut être considéré comme une pratique sociale instituée au sein de la classe, répétée tout au long de l’année scolaire et codifiée qui permet à chaque élève d’y participer et de donner son avis. Tout comme d’autres pratiques sociales, il contribue à renforcer le sentiment d’appartenance au groupe classe et donc l’inclusion de l’enfant au sein de celle-ci. Issu du mouvement Freinet, le conseil de coopération a été traité et théorisé par Fernand Oury (1920-1998) et Aïda Vasquez (1937-2015) dans leur proposition de pédagogie institutionnelle. Cependant, force est de constater que l’entraide, la collaboration et la coopération entre élèves ne sont pas réservées aux pratiques éducatives du XXe siècle, mais qu’elles trouvent leurs origines dans des pratiques antérieures.
Nous faisons l’hypothèse que l’adoption d’une perspective historique analysant la genèse, le développement et les transformations de certaines pratiques enseignantes ou de formation, dans le temps et dans l’espace, amène à considérer que les « nouveautés » de l’enseignement et de la formation des enseignant·e·s d’aujourd’hui se nichent dans des pratiques plus anciennes (Tinembart & Masoni, 2021). De même, nous rejoignons « l’hypothèse vygotskienne d’une sédimentation des pratiques » (Schneuwly & Dolz, 2009, p. 63).
Notre contribution retracera donc dans un premier temps la genèse de ces pratiques et de leur évolution dans les écoles primaires du canton de Vaud (XIXe - XXe siècles) et dans un second temps, nous observerons comment elles se sont déployées dans la formation des enseignant·e·s vaudois au travers de certains manuels de pédagogie. Pour ce faire, nous allons établir une périodisation de cette pratique dans les classes vaudoises et analyserons une série d’ouvrages recommandés, utilisés et destinés à enseigner la pédagogie au sein de l’École normale de Lausanne et des institutions de formation des enseignant·e·s.