Le double discours actuellement présent au sein du système éducatif suisse, entre sa mission de promotion de l’égalité et sa récente mission relative à l’inclusion scolaire et à la promotion de la diversité, engendre une tension positive entre égalité et diversité comme le formule le carré dialectique de la différence culturelle (Ogay et Edelmann, 2011). Cette tension tend à rendre la tâche enseignante plus complexe, les enseignant·e·s devant répondre aux besoins spécifiques de chaque élève tout en s’assurant d’une certaine égalité, en termes de reconnaissance et de traitement, pour éviter toute forme de discrimination (Gremion, Noël & Ogay, 2013). L’intérêt de défendre l’égalité et l’équité en appréhendant la diversité sociale comme une opportunité ne peut être éclipsé. Néanmoins, la valorisation des différences, au sein du paradigme puérocentrique selon une optique naturaliste (Le Prévost, 2010), ne permet pas de contrecarrer les conséquences des processus hiérarchiques sociaux à l’école. C’est pourquoi il s’agit également de réfléchir sur l’intersectionnalité des catégories sociales et leur rôle dans le développement des inégalités sociales (Hofstetter & Duchêne, 2010).

La question du rôle que les enseignant·e·s s’attribuent dans la gestion pédagogique de la diversité est ainsi posée, d’autant que le recours à divers outils et ressources pédagogiques varie selon les conceptions de la diversité adoptées par l’enseignant·e pour justifier leur mobilisation (Bergeron, Vienneau & Rousseau, 2014). Ce rôle questionne dès lors l’identité professionnelle des enseignant·e·s au regard de la diversité en présence et de l’injonction institutionnelle croissante à l’inclusion scolaire. Se construisant au sein d’un processus dynamique et interactif, caractérisé par la recherche d’un équilibre entre les demandes sociales et l’affirmation de soi, l’identité professionnelle n'existe pas en dehors de l’acteur et n’est donc pas figée. Elle est en continuelle transformation, puisqu’elle se doit d’être reconnue et intégrée à son identité personnelle pour faire sens à ses yeux (Gohier et al, 2001). Par conséquent, l’identité professionnelle trouve ses fondements dans les conceptions des enseignant·e·s.

Dans cette optique, ma recherche doctorale questionne les conceptions des enseignant·e·s relatives à la diversité des élèves au travers d’entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2016) réalisés auprès d’enseignant·e·s exerçant dans les degrés primaires d’établissements scolaires vaudois. S’inscrivant dans une posture épistémologique compréhensive, une perspective interactionniste intégrant la question du contexte socio-historique (Olivier De Sardan 2001 ; Schurmans, 2003 ; Frame, 2013) et une approche inductive (Thomas, 2006 ; Kaufmann, 2016), elle s’intéresse plus spécifiquement à la construction de leur identité professionnelle au regard de cette diversité. Elle inclut également la compréhension de leur rôle et la place accordée à cette diversité dans leurs discours sur leur profession et leurs pratiques, considérant l’injonction croissante à la différenciation émanant notamment dans les contextes romand (CIIP, 2003, 2008) et vaudois (LEO, 2011; HEP Vaud, 2015). Cette recherche vise également à identifier certains obstacles du système scolaire à l’intégration de la diversité. La présente contribution présentera le projet de recherche et proposera les premiers résultats qui seront mis en discussion.