Sur le plan épistémologique, les travaux sur la créativité dans la formation font apparaître l’évolution de ce champ théorique (Bonnardel, Girandola, Benetto, Lubart, 2023), qui apparaît investiguée aussi bien au niveau de l’enseignement (creative teaching), du contenu d’enseignement (teaching for creativity) que de l’apprentissage créatif (creative learning) (Lin, 2009). L’apprentissages créatif se concentre sur l’apprenant et vise le développement de la pensée créative en valorisant les idées, les pensées et les produits créatifs (Didier et Bonnardel, 2020a).
Plusieurs études menées dans le champ de la didactique de la conception (ibid, 2020a ; Lebahar, 2007 ; Tortochot, 2012) pointent les relations entre l’activité de conception et les apprentissages créatifs. En effet, l’activité de conception mobilise la résolution de problème, la représentation des idées, la recherche de solutions, la gestion de contraintes, la création d’hypothèses, l’anticipation et la prise de décisions (Didier et Bonnardel, 2023). Autant de facultés cognitives qui du point de vue pédagogique, peuvent activement contribuer au développement d’une visée inclusive à différents niveaux de la formation (Eschenauer et al., 2023; Tortochot & Terrien, 2023).
Différentes études menées par Bonnardel et Didier (2016 ; 2020) sur le développement de la créativité des apprenants dans différents contextes de formation (en design, dans l’enseignement artisanal et dans l’enseignement général) ont pu mettre en évidence le rôle des activités de conception afin de mobiliser des facultés cognitives supérieures. L’activité de conception implique l’utilisation d’espaces sensibles pour le concepteur sur le plan cognitif et matériel qui favorisent la recherche d’idées nouvelles et adaptées au contexte. L’espace sensible renvoie à l’expérience pendant les étapes de conception et de réalisation ; ce qui implique le fait de sentir, percevoir, comprendre et tisser des relations à l’égard du vivant (Morizot & Zhong Mengual, 2018). Ces espaces sensibles impliquent pour le concepteur l’interaction avec différents objets intermédiaires (plans, croquis, prototypes). Ils favoriseraient ainsi l’exploration des idées, leur évolution, leur transformation ainsi que leur évaluation dans le cadre de la conception et de la réalisation de produits (Bonnardel, 2012).

Dans cette étude menée auprès de 132 étudiants en contexte de formation des enseignants généralistes, nous analysons les conditions de conception à l’aide d’une approche pédagogique qui mobilise l’analogie et la gestion de contraintes (ci-après AGC) (Bonnardel, ; Didier et Bonnardel, 2023). Nous privilégions aussi le rôle de collaboration créative (Giglio et Cruz-Ortiz, 2015) et de son impact dans la recherche d’idées analysées dans cette étude en tant qu’espaces sensibles. Cet espace de recherche d’idée est travaillé sous l’angle de la co-conception. Cette activité complexe favoriserait pour les étudiants : l’adoption de différents points de vue ; la prise de décision au sein du collectif ; la collaboration créative et l’évolution du processus de conception.
Les participants de cette étude ont été amenés à co-concevoir et à co-réaliser des produits en fonction de différentes conditions de conception, soit orientées sur la génération d'idées (la pensée divergente), soit sur la gestion des contraintes (la pensée convergente) (Didier et Bonnardel, 2023).
Au niveau de l’analyse de resultats, nous décrivons les effets de ces méthodes sur les processus d'évocation et les productions créatives des étudiants-enseignants. Par ailleurs, nous discutons ces résultats en précisant les apports d’un espace sensible en regard de la créativité dans la recherche d’idées en collaboration et dans l’utilisation d’objets intermédaires afin de favoriser le processus de de conception. Ainsi, l’approche AG-C offre de nouvelles perspectives du point de vue de l’éducation à différents niveaux de la formation des apprenants.