Notre recherche s’inscrit dans le contexte de la formation initiale des enseignant·e·s primaires à la Haute école pédagogique du canton de Vaud en Suisse et plus particulièrement dans le cadre des séminaires du module d’intégration. Ceux-ci accompagnent de manière transversale les étudiant·e·s durant leur cursus et s’appuient sur des dispositifs d’écriture réflexive pour favoriser l’articulation par les stagiaires entre des éléments théoriques et des éléments issus de leur pratique.
Dans nos précédentes recherches (Lo Presti, Oppliger, 2015, 2016, 2017), nous avions montré comment la verbalisation du parcours de formation est l’occasion de se déplacer sur son échiquier personnel, selon une écologie de l’espace et du temps qui peut être comprise comme une expérience de mobilité. Ecrire est donc autant un retour sur ses expériences qu’un voyage en soi qui émaille la construction identitaire des étudiant·e·s, l’accompagne et donne à voir les changements ainsi que les transitions de ces futur·e·s professionnel·le·s. Appréhendée comme un voyage biographique, l’écriture réflexive permet aux étudiant·e·s des incursions dans leur « géographie » personnelle et représente une occasion de mettre en évidence des processus d’altération dans le sens de transformation de l’identité tout en générant des effets d’autoaccompagnement et d’autoformation à visée émancipatrice.
Pour cette contribution, nous souhaitons mettre en évidence les potentialités créatives et démontrer la vitalité des méthodes biographiques dans le champ de la formation des enseignant·e·s. Notre recherche consistera à analyser, selon une méthode qualitative, les apports de la démarche « journal de bord » insérés dans vingt-cinq métatextes d’étudiant·e·s rédigés en fin de formation , moment emblématique de leur « professionnalité émergente » (Jorro, 2011).
A partir de l'analyse de ces extraits, nous désirons questionner en quoi la démarche biographique a-t-elle un effet formateur sur l’évolution professionnelle de ces futur·e·s enseignant·e·s.

Notre hypothèse de départ postule que l’utilisation et l’articulation des divers types et genres d’écriture réflexive (journal de bord, dossier de formation, métatexte), selon différents degrés de réflexivité, engendrent des effets de conscientisation et de réappropriation, mis aussi en évidence par certains auteurs des histoires de vie, tels que Dominicé ou Pineau. L’expérience subjective peut ainsi devenir un outil d’autoformation et favoriser une « migration identitaire » dans le cursus de formation des futur·e·s enseignant·e·s.